Il y a quelques mois, alors que nous étions à la recherche d'un petit jeu coop, moi et mon bon copain Hawkedu64 avons lancé une partie de Resident Evil 5.
S'il n'est pas si horrible que ça, il reste très lourdingue et pas assez bien conçu pour être vraiment fun, mais son mode coop relève largement le niveau. Après avoir poussé des rochers de 10 tonnes à grands coups de poing et battu le boss final, le prochain arrêt de nos soirées pleines de blagues et d'enjoiement était bien évidemment la suite de la saga.
Et contrairement à RE5 qui reste sympa sans plus dans mon esprit, Resident Evil 6 peut bien aller se faire mettre.
QTEs par centaines, caméra aux fraises, mécaniques et contrôles affreux et écriture hilarante de débilité, il n'est "sauvé" que par ses rares moments de gloire incroyablement ridicules qui ont causé deux trois fous rires bienvenus.
A part ça, c'est un TPS ultra générique, ennuyeux et insupportable à jouer, et une tentative cynique de surfer sur le succès de bien meilleurs jeux du genre tout en abandonnant complètement tout ce qui fait le charme de Resident Evil à la base.
Je ne dis pas juste ça pour l'horreur, après tout, dériver un survival-horror en jeu d'action pur n'est pas forcément une mauvaise idée en soi... Si c'est réussi (après tout, RE4 avait déjà commencé cette transition et est un chef-d’œuvre acclamé par tous).
Non. Ce qui me rend le plus dingue, c'est que le côté campy film d'horreur de série B est laissé de côté pour une longue, TRÈS LONGUE série de séquences drame bourrées de toutes les bêtises d'écriture possibles, avec des personnages plats se prenant bien trop au sérieux dans un gloubi-boulga de campagnes et de péripéties forcées.
Si l'intrigue et les dialogues avaient été de qualité, j'aurais eu beaucoup moins de mal à avancer dans l'histoire et rentrer dans le délire du titre... Mais c'est loin d'être le cas ici, et chaque minute est une épreuve.
Ce bousin n'a aucun charme, et semble essayer de donner toutes les raisons possibles à ses joueurs d'éteindre leur machine et aller faire quelque chose de mieux de leur journée.
Jouer à RE6 donne l'impression de se faire gaver par des développeurs essayant désespérément de trouver la formule magique pour plaire au plus grand nombre... En oubliant que le survival est un genre qui marche et qui plait toujours autant, si ce n'est encore plus qu'à sa "grande époque".
Arrive Resident Evil 7: Biohazard, un retour aux sources de la série et un nouveau changement de perspective.
J'avais beaucoup d'espoirs pour ce titre, et après avoir dévoré les 8 intenses heures passées en compagnie des Bakers et des Molded... Ouaip. Ouaip ouaip ouaip.
Resident Evil est de retour.
Vous êtes Ethan Winters. Votre aventure commence lorsque vous recevez un message vidéo de votre femme, Mia, présumée morte depuis maintenant 3 ans.
Dans son message, elle vous demande de ne pas venir la chercher et de l'oublier. Votre réponse à ça: Prendre la route et partir la sauver. Votre piste vous amène au fin fond de la Louisiane, au manoir des Bakers, une famille de rednecks cannibales mutants bien décidés à vous empêcher de partir de leur propriété.
Commence alors une longue nuit remplie de monstres, de pièges mortels, et d'entités surhumaines absolument terrifiantes. Une immonde, stressante, merveilleuse nuit.
Le sentiment de jouer à un retour aux sources total de la saga est frappant dès la fin de l'introduction. Dans un effet similaire à Resident Evil 4 et son changement de gameplay plus ou moins radical, RE7 transpose le survival du premier jeu de la série sur son modèle en modifiant juste ce qu'il faut pour que le style reste le même malgré ses divergences de point de vue et de mécaniques.
Le gameplay et la formule sont tout ce qu'il y a de plus Resident Evil au monde. Munitions très limitées, herbes de soin, crafting rapide, minutieuse gestion d'espace et d'inventaire, et ennemis qui prennent beaucoup de balles avant de clamser, tout est là.
Les safe-zones sont de retour, accompagnées d'un système de sauvegarde old-school et de caisses de stockage bien utiles quand vous commencez à manquer de place dans vos poches.
Au delà de tous ces éléments de gameplay, RE7 reprend surtout les bases des jeux originaux. Viser réduit votre vitesse par trois, et chaque combat est une épreuve où vous devez penser vite et bien pour sortir vivant de l'affrontement en économisant un maximum de ressources.
Le passage à la première personne est utilisé à la perfection, autant dans la narration que dans la construction. Le level-design est conçu de la même manière que dans RE1, et les développeurs ont su recréer l'effet des caméras fixes avec brio au travers du nouvel angle de vue.
Et Nom de Zeus le level-design... Le Manoir Spencer du premier jeu est un chef-d’œuvre d'architecture virtuelle, et les règles le rendant si unique et fabuleux à parcourir ont été appliquées ici.
La demeure des Bakers, découpée en plusieurs bâtiments tous relativement grands, est bourrée de raccourcis et de passages secrets, avec des couloirs bouclant et se rejoignant pour vous permettre de parcourir les lieux plus rapidement. Avancer vous donne accès à différentes clés vous permettant d'ouvrir les portes correspondantes un peu partout dans la plantation.
L'exploration étant grandement récompensée et les ressources étant essentielles, vous vous retrouvez souvent à revenir sur vos pas et à revisiter des zones que vous aviez quitté depuis quelques heures pour découvrir de nouveaux secrets, journaux, et bien entendu, pas mal de matériel bien pratique.
Toute la structure du jeu est construite autour des raccourcis et de la découverte constante des lieux, et l'espace et la taille de l'environnement sont tellement bien utilisés, avec bon nombre d'éléments cachés dans les moindres recoins du manoir et diverses manières d'aborder chaque pièce et bataille, que le backtracking devient une joie plus qu'une corvée.
La propriété des Bakers est un bonheur à visiter et devient très familière au fur et à mesure que l'intrigue avance. Malgré les changements et les mauvaises surprises de vos adversaires, arpenter ses salons et ses caves devient une second nature, et chaque safe-zone ou raccourci débloqué renforce votre relation étrangement intime au magasin des horreurs de la famille.
Le rythme et la durée du jeu sont parfaits et rendent le flow consistant et très agréable, et la construction du titre est régulièrement cassée de manières jouissives, avec de nombreux moyens de connaître les pièges des Bakers à l'avance voire de complètement zapper une séquence de jeu si vous êtes attentifs et trouvez les VHS éparpillées un peu partout sur votre chemin.
Ces VHS vous montrent les péripéties d'autres victimes de la famille et sont entièrement jouables. Vous traversez des zones et subissez des épreuves auxquelles Ethan aura affaire un peu plus tard dans l'aventure, et les informations accumulées pendant le visionnage des cassettes peuvent vous servir par la suite, histoire d'éviter de se retrouver bloqué ou blessé dans la même situation.
Si vous êtes vigilants, il y a même moyen de repérer certains détails essentiels bien à l'avance pour utiliser la solution de facilité et ouvrir des accès à première vue verrouillés ou condamnés, vous évitant un long détour plein d'embûches.
Cette idée est absolument géniale et donne au joueur un sentiment de puissance assez jouissif à chaque traquenard détourné. C'est une nouvelle manière très intéressante de mixer narration et gameplay, tout en offrant une nouvelle facette aux puzzles du jeu et en augmentant sa rejouabilité dans le processus.
RE7 est absolument magnifique. Le travail sur la lumière est impressionnant, avec des jeux d'ombres et des couleurs créant des ambiances glaçantes. Le jeu vous met au cœur de la réalisation et utilise souvent vos déplacements et votre lampe-torche pour découvrir ses décors et les horreurs qu'ils renferment.
L'environnement est parfaitement dégoutant, suintant de chair et de pourriture dans chaque recoin. Un énorme boulot a été fait pour rendre les décors aussi beaux, détaillés, et nauséabonds que possible, au point où l'on peut presque sentir l'odeur putride de certains lieux depuis l'autre côté de l'écran.
J'apprécie énormément l'horreur du titre. Presque aucun des quelques jumpscares présents ne sont putassiers, et à l'exception de deux moments clairement conçus pour les joueurs VR, il n'y a pas de gros son pour accompagner les sursauts, quand ceux-ci arrivent.
Car le jeu esquive à de nombreuses reprises le screamer gratuit, en mettant en place des situations où il semble évident qu'un machin va vous sauter à la gueule, pour finalement passer à autre chose très calmement. En évitant la gratuité, ces moments augmentent la tension et vous rentre dans la peau, et revigorent la terreur du gameplay et de chaque coin de couloir.
L'utilisation modérée de la musique et le sound-design mettent un point d'honneur à créer une atmosphère en or.
Resident Evil 7 est très silencieux, comme attendu d'une œuvre de ce style. Comme pour son horreur, il n'appuie jamais sur ce qu'il se passe à l'écran en s'aidant du son, et laisse l'imagerie et le design des décors faire le travail.
A la place, il garde ses envolées musicales et sonores pour les moments les plus importants comme certaines batailles de boss, ou, très important, les safe-zones dans lesquelles est jouée une mélodie glauque à souhait provoquant un énorme sentiment de bien-être et de soulagement dû à son association à un tel lieu de sécurité et de repos.
RE7 est très intelligent dans sa manière de montrer et faire entendre. Sa présentation est fabuleuse, et son ambiance fascinante.
Le côté campy série B de la série est lui aussi de retour, pour mon plus grand bonheur ! On n'atteint pas tout à fait le niveau de RE4 et de Leon et ses punchlines en or, mais RE7 a toujours le mot pour faire sourire, et sait être aussi stupidement drôle qu'il n'est angoissant.
Les Bakers sont la source principale de l'effet, avec leur délicieux côté over-the-top tantôt Massacre à la Tronçonneuse, tantôt Saw, et leurs batailles de boss mémorables.
J'adore cette famille du plus profond de mon cœur. Jack, Marguerite et Lucas sont de parfaits antagonistes ultra divertissants, et chaque instant qu'ils passent à l'écran est un plaisir absolu. Ils savent être très intimidants (voire absolument traumatisants dans le cas de Marguerite), mais ils n'hésitent jamais à ouvrir la bouche pour vous insulter ou se moquer de vous de la manière la plus hilarante possible.
Chaque accrochage avec les membres de la famille va rester gravé dans ma tête, tellement ces séquences sont bien réalisées et chorégraphiées. RE7 n'a pas peur de partir dans des délires géniaux, comme lors de la déjà culte séquence du garage qui confirme très tôt dans l'aventure que vous allez passer un grand moment.
Leur doublage est absolument fabuleux, et le simple fait que Jack me demande de sortir de ma cachette avec la voix la plus évidente de psychopathe à la hache couplée avec son énorme accent sudiste m'a fait éclater d'un rire nerveux, mix de sympathie et de terreur.
Ces personnages sont fantastiques, et possèdent ce qui pour moi fait de RE7 une vraie perle: Une incroyable personnalité. C'est un mot qui désigne bien le jeu: Personnalité.
Son design et ses mécaniques en sont bourré, mais même quelque chose d'aussi banal que les Molded, les zombies/streums de service, sont poussés vers quelque chose de plus unique que de simples tas de goo noire grâce à de tous petits détails qui font tout. Dans leur cas, l'ajout d'une énorme bouche pleine de dents pointues est une touche bienvenue, leur donnant un air plus excentrique et bien plus effrayant et menaçant que ce à quoi je m'attendais.
Les liens et références au reste de la saga sont rares, mais efficaces, avec de petits détails amusants et des journaux éparpillés dans le manoir, et quelques twists offrant beaucoup de possibilités pour la suite. Ces éléments confirment la place du jeu dans la chronologie, mais n'empiètent jamais sur l'histoire d'Ethan, conservant ainsi la fraicheur de sa petite échelle et de l'univers plus fermé et solitaire de la plantation.
La plus grande satisfaction que j'ai eu en jouant à RE7 fut de voir à quel point il contredit instantanément (et contrairement à l'opus précédent) toutes les accusations de cash-in éhonté et de pâle copie des très populaires jeux d'horreur à la première personne à la Outlast, Amnesia, ou Alien Isolation.
Rares sont les séquences où vous êtes impuissant et forcés à vous cacher de vos poursuivants, ces passages étant majoritairement incorporés dans les VHS. A la place, quand vous ne combattez pas les Molded dans un style 100% Resident Evil et devez échapper aux Bakers, vous êtes armés et pouvez résister, et au lieu de vous cacher, vous devez réfléchir et gérer votre temps pour survivre tout en résolvant des puzzles et en récupérant du matériel.
Dans ces moments, RE7 ressemble soudainement plus à Resident Evil 3: Nemesis (où le joueur est poursuivi par une créature increvable d'une manière similaire) qu'aux évidentes références modernes, rappelant au passage l'impact de son héritage sur le genre.
RE7 est presque un patchwork de ce que la série fait de mieux, mélangeant les idées cultes des quatre premiers opus pour créer une expérience tout aussi marquante que ces derniers, avec le retour de la patte si définie de la saga, et un charme de dingue.
Similaire à ses ainés sans pour autant oublier d'avoir son identité propre, Resident Evil 7: Biohazard est une lettre d'amour au survival, et une bombe redonnant ses lettres de noblesse à la franchise.
Bien sûr, le jeu n'est pas sans problèmes. Le bond à la première personne a causé pas mal de changements au niveau de l'interface, et si la plupart fonctionnent sans mal, certains éléments pêchent un peu et mériteraient une révision pour la suite.
Au bout de 20 minutes de jeu, je suis allé dans mes options pour réduire le sang affiché à l'écran tellement mon interface en était recouverte après avoir seulement perdu la moitié de ma vie. Et même avec l'option, l'écran est inutilement chargé dès qu'Ethan commence à prendre pas mal de dégâts, ce qui est dommage vu comment l'affichage de la vie sur la montre du personnage suffit pour se débrouiller.
RE7 semble parfois avoir un peu de mal à donner du feedback au joueur. Si votre mission est la plupart du temps assez claire, certaines situations peuvent parfois désorienter, comme une confrontation contre un boss où il semble d'abord évident qu'il faut fuir comme à votre habitude, et où il ne devient évident qu'il faut se battre jusqu'à la mort qu'au moment d'ouvrir un menu pour regarder votre liste d'objectifs.
Dans un jeu où chaque seconde et chaque munition compte en combat, il est un peu dommage de réaliser qu'on vient de gaspiller et du temps, et des ressources, juste à cause d'un objectif mal indiqué.
J'aurais aussi, comme beaucoup, aimé un peu plus de variété dans les ennemis à combattre. Les Molded sont intimidants et fonctionnent très bien mécaniquement parlant, mais ils restent les seuls monstres présents du début à la fin (sans parler des antagonistes principaux bien entendu) à l'exception des insectes de la vielle maison, une bouffée d'air frais et un cassage de routine dont j'aurais aimé profiter plus d'une fois.
Ces problèmes, même s'ils restent notables, n'ont clairement pas suffi à me sortir de l'expérience. Ce ne sont que des détails au milieu de ce qui reste un titre d'excellence, et ils pourront être très facilement réglés dans les prochains opus.
En parlant de suites justement, c'est peut-être le dernier point sur lequel j'aurais quelque chose à reprocher. La conclusion est satisfaisante, bouclant l'histoire d'Ethan tout en la rapprochant à la lore plus générale de la série, et ce avec pas mal d'intrigues laissées ouvertes à l'heure du générique de fin.
Mais si j'apprécie le fait de laisser en suspens certains points pour faire un peu de sequel-bait avec un petit cliff-hanger en bonus (parce que vous pensez bien que je vais bouffer la suite quand elle sortira vu comme Capcom a retrouvé ma confiance), il est évident que certains éléments de scénario ont été un peu laissés en plan à cause de leur manque de backstory, et j'ai bien peur qu'ils ne se perdent dans les limbes et ne soient jamais expliqués.
La sortie de futurs DLC gratuits me laissent d'ailleurs une impression bizarre. Je suis impatient de voir la direction que les développeurs prennent, et j'espère qu'ils sauront quoi montrer pour tout conclure, mais j'ai aussi peur qu'ils s'attardent trop sur RE7 et détruisent l'intérêt de son successeur. Considérez-moi curieux mais prudent.
Cette dernière divagation est plus une remarque due à la frustration qu'autre chose. En arrivant dans la dernière séquence de jeu, j'étais réticent à l'idée d'avancer tellement je ne voulais pas voir l'aventure se terminer.
J'ai passé un grand moment sur Resident Evil 7, et j'en veux plus. J'espère que le nouveau contenu saura prolonger l'expérience de manière intelligente, et me permettra de profiter un peu plus de l'ambiance et du design de fou.
Resident Evil est de retour, et je ne dis pas juste ça parce que c'est du Survival-Horror old-school et que l'écriture campy est revenue. Resident Evil est de retour parce que c'est bien.
RE6 aurait pu s'en sortir si il avait été bien. Revelations 2 aurait pu s'en sortir si il avait été bien. Umbrella Corps aurait pu... Aller se faire foutre, parce qu'Umbrella Corps est une sombre bouse à peine fonctionnelle que rien n'aurait pu sauver.
Il se trouve juste qu'en ramenant tout ce qui fait la force de la série, RE7 a su se démarquer avec une ambiance et des personnages forts, un gameplay d'excellence, et un level-design et une structure à tomber.
Resident Evil 7 est un excellent jeu, et je suis impatient de voir ce que Capcom a prévu pour la suite, et si ils restent concentrés sur ce qu'ils savent faire, la saga aura droit à un futur brillant.
En attendant, je vais aller me refaire une partie en mode Madhouse, et jouer à RE1 Remake. J'ai une énorme envie de survival là maintenant tout de suite, et je pense que j'ai beaucoup de jeux à rattraper. Merci RE7, t'as fais du bon boulot.
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