Cet article contient d'énormes spoilers pour Breath of the Wild. Si ce n'est pas encore fait, faites demi-tour et foncez y jouer. Pas la peine de vous ruiner l'expérience, elle en vaut la peine.
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Hier soir, alors que j'approchais de la fin de la quête principale de The Legend of Zelda: Breath of the Wild, j'ai eu un coup de barre.
Depuis quelques temps, j'ai beaucoup de problèmes de sommeil et je me prends la tête pour un rien, et je m’apprêtais donc à profiter de mon coup de mou pour aller subir une nouvelle nuit de merde, avant de me réveiller à 5h du matin avec de la sueur dans le dos et du mal à respirer.
Et puis j'ai regardé mon écran. Au loin, le Château d'Hyrule, le point final de mon aventure, se tenait englobé dans les ténèbres de Calamity Ganon. Moi seul pouvais mettre un terme à cette horreur. Moi seul pouvais aider la princesse à sceller ce maléfice et sauver Hyrule après cent longues années de douleur.
Alors que je restais planté là, la manette dans la main, la boule au ventre, à penser à ce qui m'attendait si j'allais me coucher, quelque chose est arrivé. Quelque chose de nouveau, quelque chose que j'attendais depuis la sortie d'Ocarina of Time en 98: Je me suis investi dans un Zelda.
Fuck le sommeil, fuck le coup de barre, je vais passer un bon moment et en finir.
J'ai appelé Ken, mon cheval, fait le plein de flèches et de provisions, et j'ai lancé mon attaque sur le château. Après avoir esquivé les gardiens et les dizaines d'obstacles sur ma route, j'ai finalement posé le pied sur les terres mortes des ruines... Et la musique s'est lancée.
Je me suis figé. Pendant 5 minutes, impossible de bouger un muscle. Impossible d'avancer. J'ai réalisé quelque chose, et ce quelque chose m'a frappé comme un éclair.
Mon expérience avec la saga Zelda est assez étrange. Je n'ai jamais été un grand fan des opus 3D, à l'exception de Majora's Mask. C'est simple, soit je passe un moment agréable avant de lentement mais surement lâcher le jeu et passer à autre chose sans regarder derrière moi (Wind Waker, Twilight Princess), soit je suis complètement et parfaitement froid, et ce malgré mes dizaines de tentatives (Ocarina of Time, Ocarina of Time, Ocarina of Time).
J'ai toujours bien plus accroché à l'univers 2D, entre Link's Awakening et A Link to the Past, Minish Cap, ou mon préféré, Four Swords Adventure (oui oui). Mais même mon amour pour ces jeux ne suffit pas tout à fait à me faire véritablement accrocher à la série. Il me manque quelque chose, et toute une facette de cet univers ne m'intéressant pas vraiment, je me bloque net à ses portes sans vraiment avoir l'envie de frapper.
Et pourtant... J'ai une relation particulière à cette saga. Par simple exposition (être né la même année que le Zelda le plus adoré de tous les temps aide beaucoup), je suis baigné dans l'histoire et les différentes légendes d'Hyrule, et je connais les moindres recoins de ses diverses incarnations par cœur.
Zelda est une série que je préfère regarder plutôt que jouer. Je profite bien plus de ce qu'elle peut m'apporter en gardant une vision extérieure de la chose, et au fil des années, j'ai appris à aimer certains personnages et à m'intéresser à certains éléments de la lore assez amusants.
J'adore le bordel sans nom qu'est la timeline de la saga, Majora's Mask est une œuvre qui me fascine sous tous ses aspects, et même si je n'ai jamais réussi à passer au dessus du côté ultra classique et plat d'Ocarina, j'aime d'amour sa musique, et je le remercie pour tous les standards qu'il a instauré.
Je n'ai peut-être pas dépassé la première moitié de Twilight Princess et n'ai jamais terminé le donjon final de Wind Waker, mais je suis heureux de retrouver les Gorons et Impa à chaque nouvelle aventure, et découvrir les ruines du Temple du Temps sera toujours une expérience aussi magnifique qu'émouvante.
Et du moment que personne ne mentionne Skyward Sword, je suis plutôt content.
Je ne dénigrerai jamais Zelda. Jamais. Même si mon rapport aux jeux 3D n'est pas aussi clairement dithyrambique que l'immense majorité, je reconnais totalement leur qualité et l'impact que chaque opus a eu sur le média. Ocarina of Time, tout particulièrement, est un roi quasi indétrônable ayant révolutionné un pan entier du jeu vidéo tel que nous le connaissons, et je ne peux que me prosterner devant sa grandeur.
C'est avec cet état d'esprit que j'ai lancé Breath of the Wild. Vous imaginez donc mon bonheur en voyant à quel point j'ai adoré mon temps passé dessus.
Niveau gameplay, c'est tout ce que j'attendais à la fois de Zelda et du genre Sandbox monde ouvert, et malgré quelques problèmes et la triste absence du grappin et du boomerang (toujours dans nos cœurs), le jeu m'a abasourdi par sa constante qualité et son incroyable liberté.
Le design des environnements et des donjons et la structure du voyage sont un exemple pour tout futur développeur, et le simple fait que le boss final soit accessible dès le début du jeu représente bien ce que j'aime dans Breath of the Wild.
Hyrule regorge de vie, et chaque minuscule recoin du monde renferme un puzzle ou un détail amusant, ironique au vu de son statut technique de terre post-apocalyptique.
J'aime me balader dans les plaines et les montagnes, rencontrer des voyageurs bizarres et des villageois un peu barrés. J'aime partir à la recherche des Shrines et résoudre toutes les énigmes Korok sur lesquelles je tombe. J'aime lutter contre les éléments et chasser du monstre dans les ruines et vestiges d'un royaume mort à la gloire éteinte...
Bref, je me suis pris au jeu à 100%. ENFIN, après tant d'années, voila que je ressentais enfin ce que tant de joueurs avant moi ont ressenti. Voila ce que les fans d'Ocarina of Time vivent en lançant une nouvelle partie. Ça m'aura pris 19 ans, mais j'ai enfin vécu Zelda. Certes, le contexte est différent, et le gameplay a subi un changement de bord aussi intense que celui d'OoT, mais tout de même.
C'est en réalisant ceci que j'ai compris pourquoi tant de gens appellent Breath of the Wild "Le nouveau Ocarina of Time", ou "Le meilleur Zelda depuis l'opus 64".
OoT a changé le monde. Breath of the Wild vient de révolutionner un genre entier, de remonter la barre à un niveau quasi inatteignable, et de réinventer tous les éléments acquis depuis A Link to the Past, le tout dans un univers à la fois très similaire et complètement différent de ses ainés, et avec une narration renouvelée, et... Franchement top si vous voulez mon avis.
Je pense que les développeurs ont réussi leur pari en voulant recréer le même sentiment de liberté total du The Legend of Zelda original.
Breath of the Wild picore un peu partout, avec des mécaniques de Skyward Sword, des personnages de Wind Waker et Twilight Princess, et, à mon plus grand bonheur, deux trois idées de design directement tirées des opus 2D.
On dirait presque un jeu anniversaire tant il rend hommage à son héritage, avec des compositions musicales très discrètes se révélant régulièrement être de magnifiques remix des plus grands thèmes de la série, et bon nombre de décors connus en ruines assez... Traumatisants. Il n'y a rien de plus triste que d'arriver dans un bâtiment délabré, voir le nom de l'endroit apparaître à l'écran, et découvrir que l'on se tient dans ce qu'il reste de l'un des lieux les plus importants et pur d'Ocarina of Time.
C'est d'ailleurs là que je veux en venir. Tout au long de mon parcours, Breath of the Wild m'a enveloppé d'un sentiment confortable de nostalgie légère et d'intense bien-être.
En apercevant le Temple du Temps au loin, j'ai eu un petit sourire, mais en arrivant sur son escalier et en réalisant que la construction du chemin et son orientation était la même que dans Ocarina of Time, j'ai eu un mouvement de recul. Et en découvrant le Vénérable Arbre Mojo, je dois avouer avoir un peu frissonné.
En arrivant au Village Cocorico, j'étais heureux. Cet endroit a toujours été mon lieu préféré de n'importe quel jeu Zelda, et j'étais donc impatient d'y retrouver de nouvelles marques. La musique est à des années lumières du thème culte auquel je m'attendais, mais au moment d'entendre ce dernier intégré au morceau, mon cœur a sauté un battement.
Pareil pour les diverses étables, où j'attends toujours avec impatience l'arrivée de la classique mélodie du Ranch Lon Lon.
J'ai peu à peu réalisé que je connaissais tous ces endroits. Non, mieux, que j'aimais tous ces endroits, que je voulais revoir tous ces personnages. Mais comme expliqué plus haut, même si j'ai été surpris par ma réaction et mon bien-être, j'ai vite relativisé tant j'ai été exposé à la série et tant j'ai appris à l'aimer à distance. Bien sûr que me replonger dans quelques-unes des meilleurs musiques de l'histoire toutes droit sorties d'un jeu avec lequel je suis né m'a fait quelque chose.
Mais au moment d'arriver au Château d'Hyrule, cet éclair m'a frappé. L'orchestre se lance, et la mélodie, à la fois tragique et grandiose, prend peu à peu sa place. Et j'étais figé.
Cette musique... Est-ce que c'est Ballad of the Wind Fish ? De Link's Awakening ? Oh bordel maintenant c'est le thème de Ganon... Et maintenant c'est le thème original du Château d'Hyrule...
Avec une grâce impressionnante, le thème du Château termine le travail commencé par le reste du jeu, et créé un mix magistral, et une lettre d'amour à tout ce qui fait la beauté de The Legend of Zelda.
J'étais scotché. Et il est arrivé. Alors que la tension montait, que l'epicness complète de la situation bouillait en moi, et que mon poing se serrait de détermination, il est arrivé. Le thème principal. L'Overworld. Le thème de Link. LA musique de Zelda. Cette perfection musicale, l'une des premières choses a avoir jamais accueilli les joueurs au moment de lancer leur NES en 1986.
A cet instant précis, lors de ce dixième de seconde où je suis sorti de ma transe... Je n'ai jamais eu autant envie de jouer à un jeu vidéo. Ce n'était plus de la simple nostalgie d'exposition. J'étais dedans. Je voulais sauver Hyrule.
Arrivé aux trois quarts du donjon, j'ai réalisé que la musique évoluait en même temps que je progressais. Elle devenait plus calme, plus triste, plus... Oh... Oh merde.
Le thème de Link avait disparu de la musique. Il venait de laisser sa place à quelque chose d'autre. Quelque chose d'incroyable. Zelda's Lullaby. L'une de mes musiques préférées de toute l'histoire du jeu vidéo. Elle était là, et j'ai réalisé que... Peut-être que j'adore Zelda au fond.
Et je me suis levé. Debout en pleine nuit comme un imbécile, je me suis jeté sur les tours pour esquiver les gardiens restants, avec un sourire de taré sur le visage. J'étais ici pour en finir avec Ganon. Pour sauver Zelda bordel de merde.
Après des dizaines d'heures d'exploration, à lutter pour retrouver ma mémoire et ma puissance, à explorer un monde dévasté où les ténèbres ont pris le contrôle, j'étais là. Tous ces donjons, toutes ces orbes, tous ces putains de plats... Tout ça, je l'ai fait pour ce moment.
Je suis entré dans la pièce finale. Il m'attendait. Calamity Ganon.
La bataille fut rude, et après avoir enfoncé ma Master Sword dans les gencives de cette enflure, c'était l'heure de la phase 2. Dark Beast Ganon. LE Ganon.
Ken était là. Mon fidèle compagnon. Je l'ai chevauché, j'ai attrapé l'arc de la lumière, et j'ai massacré cette bête infâme. Zelda est arrivée pour donner le coup final et sceller la créature une bonne fois pour toute... Et le jeu était terminé.
Pendant que le générique défilait, je me suis assis. J'étais... Légèrement soufflé.
Soufflé par trois choses: Tout d'abord, la beauté et la classe de tout le final. Sentiments à part, la musique, la direction artistique et le gameplay explosent tous en même temps dans un feu d'artifice de créativité et de maîtrise. L'apogée de 30 ans d'excellence et de grandeur.
Ensuite, l'intensité de la situation, et surtout la manière qu'elle a eu de conclure en beauté 50 heures de build-up m'ont époustouflées. Ganon n'est pas un boss très compliqué, tout particulièrement quand on y arrive avec tous les atouts en main et la moitié de sa vie drainée dès le début de la bataille, mais le sentiment de puissance qui vient avec sa destruction, son annihilation, est un sentiment que je ne vais plus pouvoir ressentir pendant quelques temps tellement j'ai mis d'énergie dedans.
Et enfin... Cette réalisation... Je suis perdu. Je ne sais honnêtement plus où j'en suis avec Zelda.
Avec Breath of the Wild, il est évident que quelque chose s'est réveillé en moi. J'ai apprécié la beauté de mon aventure sans jamais m'ennuyer, mais cette dernière heure a embelli tout ce que j'ai accompli auparavant. Mieux... Elle a embelli mon regard sur toute la série.
J'ai enfin vécu ce sentiment de puissance héroïque. J'ai enfin apprécié ce voyage initiatique auquel je n'arrivais pas à accrocher dans Ocarina of Time. J'ai enfin profité au maximum du poids des siècles passés comme avec Wind Waker. J'ai enfin, ENFIN eu envie de devenir Link, et de me plonger tête la première dans Hyrule.
Et cet instant que j'ai vécu au pied du château, à ne pas pouvoir bouger, en assimilant l'équivalent de 30 ans de création dont je n'ai jamais pu profiter pleinement... Après tout ce temps... C'était magique.
The Legend of Zelda: Breath of the Wild est magique. Je pourrais raconter des centaines d'histoires, décrire chacune de mes péripéties, parler de tout ce que j'aime et de tout ce qui m'a touché, ou même parler de ma merveilleuse relation avec mon cheval et de comment sa sécurité passait avant la mienne...
Mais je pense que prendre le temps de décrire ce moment en détails me suffit. Après 19 ans, après tant de frustration... Je suis devenu fan de The Legend of Zelda.
C'est drôle... Maintenant que j'y pense, j'aurais dû savoir que j'allais ressentir ça. Je connais exactement l'instant précis où ce sentiment a commencé à naître en moi.
C'était dans The Lost Woods. Encore un nom qui me donne des frissons tiens.
Devant moi, elle se tenait fièrement. La Master Sword. L'un des plus grands symboles de l'histoire d'Hyrule. The Sword that Seals the Darkness. Elle était là, et il ne tenait qu'à moi d'être assez puissant pour la prendre.
Dans une des meilleures idées de design de ces dernières années, intégrant parfaitement cet aspect de la quête principale au monde ouvert sans être poussif ou demander de grind, la Master Sword vous prend de la vie quand vous essayez de la retirer.
Vous voyez vos cœurs lentement descendre alors que Link retire délicatement l'épée de son socle, que la caméra zoome, et que le son se fait de plus en plus fort.
Il m'aura fallu plusieurs essais. J'y étais presque les deux premières fois, mais ce n'était pas assez. Alors je me suis battu, j'ai récupéré des réceptacles de cœur, et je suis revenu une dernière fois.
J'ai attrapé l'épée légendaire, et j'ai appuyé sur le bouton. Link commence à sortir la lame de son socle pendant qu'une goutte de sueur coule sur mon front. Mes cœurs descendent vite. Trop vite. Je sens ma mort arriver. Je pourrais retenter plus tard, mais... Non. Ça doit être maintenant.
Trois cœurs. Deux cœurs. Un cœur. Trois quarts de cœur... Un demi cœur... Un... Quart...
Le son s'arrête. Tout se fige. Le silence reprend brusquement sa place. Pendant une seconde, le temps semble s'être suspendu.
Link retire l'épée, et la regarde un instant. Pendant cet instant, j'ai réalisé ce que je venais de faire. Je venais de récupérer la Master Sword, l'arme la plus puissante de l'histoire, et j'allais pouvoir sauver Hyrule avec elle.
Tout était parfait. La mécanique de la vie, l'emplacement, l'intégration à l'univers, la mise en place, le pay off... Je venais de récupérer la Master Sword, et les développeurs ont réussi à rendre cet évènement absolument magistral.
Une dizaine de jeux me sont revenus à l'esprit. Une dizaine de Master Swords, une dizaine de Zelda, une dizaine de Ganon... Un héritage de héros et de démons, de légendes et d'aventures... Et je la tenais. La Master Sword.
La caméra recule. Link, lentement, soulève l'épée au dessus de lui, et la pointe vers le ciel. Il tend l'épée qui scelle les ténèbres, vainqueur. Le Héros du Temps. Le Héros du Vent. Le Héros de la Nature. Le Héros de la Lumière. Le Héros de la Légende. Le Héros d'Hyrule.
Je tenais la Master Sword, et je n'en revenais pas.
J'ai mis 19 ans à tomber amoureux de The Legend of Zelda... Mais ça en valait la peine.
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