mercredi 18 mars 2015

Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ?

Bonjour à tous, et bienvenue dans cet article spécial 50 critiques !

50 critiques... C'est plutôt pas mal ma foi. J'en aurais vu passer des jeux ! Des bons, des mauvais, surtout des bons heureusement, voire des très très bons...

Et certains m'auront bien poussé dans mes limites, m'obligeant à sortir de sacrées analyses. Comme si écrire un texte simple n'était pas déjà assez compliqué pour moi.

Bref, pour fêter l'occasion, je me suis penché sur une question qui revient régulièrement depuis quelques années... Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ?


A première vue, cela semble être une question simple non ?

N'importe qui pourra vous donner une définition basique de ce qu'est un jeu vidéo, et les plus fainéants vous diront que, d'après un copié-collé Wiki:

"Un jeu vidéo est un jeu électronique qui implique une interaction humaine avec une interface utilisateur dans le but de générer un retour visuel sur un dispositif vidéo. Le joueur de jeu vidéo dispose de périphériques pour agir sur le jeu et percevoir les conséquences de ses actes sur l'environnement virtuel. 

Le mot « vidéo » dans le jeu vidéo, fait traditionnellement référence à un dispositif d'affichage de trame, mais à la suite de la vulgarisation du terme il implique désormais tout type de dispositif d'affichage."

Facile, tranquille, pépère, on appuie sur les boutons et ça fait des trucs. Non ? Non..?

Eh bien, apparemment... Non. Si vous vous baladez sur certains forums, vous pourrez apercevoir certains commentaires faisant allusion à certains titres disant que, je cite, "ce ne sont pas de vrais jeux vidéos".

COMPLETEMENT au hasard, "Gone Home" par exemple a beaucoup fait parler de lui sur ce sujet, certains jugeant que les interactions du joueur étaient trop limitées pour le considérer comme autre chose qu'un film interactif, voire un film tout court.

Dans le même genre, "Dear Esther" ou "Mountain" ont été accusés de n'être que de simples délires artys n'utilisant le support que pour se la jouer spirituel, "alors que après tout, faites un livre ça ira plus vite".

Ce qu'on entend souvent comme critique sur certains jeux, et ceux-là en particulier, c'est qu'ils n'ont pas de "vrai" gameplay. Mais ça veut dire quoi ça ?


Pour certains, ça veut dire qu'un jeu comme Gone Home, où il n'est possible que de marcher et d'interagir avec certains éléments du décor n'a pas de "vrai" jeu dans son jeu.

Ce qui est débile, puisque Gone Home a un "vrai" gameplay. Certaines personnes affirment qu'il pourrait être un livre ou un film. Pourtant, l'interaction avec les éléments du décor est cruciale pour installer l'ambiance et l'histoire, et cela rend le jeu impossible à retranscrire ailleurs que dans un jeu...

Pendant ce temps, les Visual Novel, ces livres interactifs bourrés de texte souvent accompagnés de doublages voire parfois de "vraies" phases de gameplay, sont de plus en plus reconnus comme de vrais jeux. Étrange, alors que ce sont littéralement des livres interactifs.

Je ne sais pas, peut-être que, dû au fait qu'ils se rapprochent justement d'un autre média, les différences sont plus flagrantes... Aucune idée. Dans tous les cas, personne ne se plaint jamais du genre (au passage, Danganronpa n'est pas un bon exemple de VN, puisqu'il contient 67% de "vrai" jeu).

Dans tous les cas, ce qui est considéré vrai gameplay et pas vrai gameplay est très arbitraire, et change en fonction d'un titre à l'autre.

Vous verrez des gens se plaindre d'un élément dans un titre, mais pas dans un autre, juste parce que c'était pratique de s'en moquer pour son argumentaire, ou juste parce qu'il n'y a rien à dire dessus.


Alors avant de continuer, répondons à la question.

Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ? C'est un média où l'interactivité est maître, qu'elle soit peu ou très présente, et qu'elle ait peu ou beaucoup d'impact. Aussi simple que ça.

Si un jeu est construit autour de l’interaction qu'à le joueur avec l'environnement, c'est un jeu. Pas un film, pas un livre, un jeu, un vrai.

Bon, il est évident que les titres que j'ai cité s'éloignent assez des normes et qu'ils peuvent déstabiliser, alors on va prendre deux contre exemples: "The Walking Dead" et "Journey".

Ce sont de grands succès populaires et critiques, très appréciés par le public et devenus instantanément cultes, et dont l'existence en tant que jeu n'est que rarement remise en cause.

D'abord Journey. Petite aventure de deux heures à l'univers et à l'ambiance fantastiques, le jeu est réputé pour son expérience unique et ses fonctionnalités multijoueurs très malignement pensées.

Et bien sûr, même s'il s'est très bien vendu et est considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre et l'un des meilleurs jeux de 2012, certains pensent qu'il ne mérite pas d'être appelé "jeu vidéo".

La raison: Le joueur n'a que peu de choses à faire à part avancer, et il aurait suffit de faire un film plutôt qu'une œuvre interactive.

The Walking Dead (et tous les titres Telltale récents) est lui aussi considéré comme un chef-d'œuvre et l'un des meilleurs jeux de 2012, et avec le succès est arrivé une horde relative de joueurs considérant qu'il ne s'agissait que d'un film interactif.

La raison: Le jeu est en grande partie composé de dialogues, QTE, et cinématiques.


Ces arguments sont complètement faux. L'expérience Journey marche à la perfection grâce, justement, à son gameplay et aux interactions avec l'environnement et le second avatar.

Le moyen de communication entre joueurs est d'ailleurs une feature de gameplay à 100% et laisse la liberté à l'utilisateur d'en faire ce qu'il veut. Et certaines séquences du jeu sont des séquences d'action et de plate-former plus classiques que les longues marches dans le désert.

The Walking Dead, quant à lui, est un Point n' Click très axé sur la narration, mais rempli de séquences d'action, d'exploration et d'énigmes.

Les appeler films interactifs revient à ignorer les centaines d'éléments qui font d'eux des jeux. Ça revient, en gros, à ne pas y avoir joué, car il faut être fou pour ne pas voir que non seulement ce sont des jeux, mais en plus, qu'ils sont bons.

Dans les deux cas, le joueur interagit constamment, même quand il y a "moins d'action".

Dans les jeux Telltale, il est possible de choisir quoi répondre aux autres personnages. Cette feature donne encore plus d'importance à l'autre aspect principal du genre: L'écriture et la narration.

Certains éléments de gameplay sont entièrement basé sur cet aspect, et il est constamment demandé au joueur de faire un choix, de réaliser une action prédéfinie, ou non.

Il y a toujours quelque chose à faire, quelque chose à penser... Et prendre l'exemple de ce studio est d'autant plus judicieux que, je cite, "vos actions ont une influence sur la suite de l'histoire".

Littéralement d'ailleurs, puisque les développeurs changent certains éléments du scénario entre deux sorties d'épisodes en fonction du choix des joueurs.


Sans parler des à-côté, bien sûr, les choix que l'on fait ne changent pas l'histoire, mais son déroulement. L'influence des actes du personnage suffisent largement à renforcer l'impact de l'univers, du scénario, et surtout, du gameplay.

On est aux commandes à tout moment, et le côté narratif participe au gameplay, et inversement. L'un ou l'autre aspect n'est jamais mis en retrait, et on a jamais l'impression de regarder un film ou de jouer à un jeu sans fond.

Et si vous n'êtes toujours pas convaincu (ce qui m'étonnerait quand même), depuis quelques titres, Telltale rajoute de plus en plus de séquences inédites qui marchent très bien, et restent cohérente avec le propos plus narratif de leurs œuvres.

Dans Tales From the Borderlands par exemple, pas mal de passages sont inspirés voire directement tirés du style très action bourrine de la série, tout en laissant toujours un choix au joueur. Cela permet de varier tout en restant consistant, offrant un mélange des genres très agréable.

On a donc là des Point n' Click avec une narration importante, et un gameplay varié et présent à tout instant, qui renforce l'implication du public dans son fond et sa forme.
C'est du jeu vidéo pur et dur, mais surtout la définition d'un jeu d'aventure de qualité.

Visiblement ça marche, puisqu'on en redemande encore et toujours, et Telltale suit.


J'aimerais revenir sur ce qui constitue une autre partie du problème: Toujours essayer de mettre dans des cases à s'en compliquer la vie.

Le jeu vidéo n'est pas un média simple. Comme tout art, il est composé de genres de bases très définis, et c'est en partant de cette base que l'on peut créer quelque chose d'entièrement nouveau.

Un First Person Shooter, ça peut être Call of Duty ou Counter-Strike, mais aussi Antichamber, The Talos Principle ou Portal. Il n'y a plus vraiment de shoot, mais la base est la même.

Un jeu d'aventure, ça peut être The Legend of Zelda ou Okami, mais aussi Journey ou Sam & Max. De l'exploration, ça peut aussi être Gone Home. Du jeu de baston, ça peut être Smash Bros.

Bon sang, Mass Effect est considéré par beaucoup comme un RPG. Il y a des milliards de variations possibles !

Pourquoi, alors, se faire chier à créer des sous-sous-sous-sous-genres, à essayer d'inventer "l'expérience narrative interactive" ou "la simulation de média virtuel", quand on peut juste dire "Ouais, c'est un Point n' Click avec beaucoup d'histoire quoi.".

Certains titres ne peuvent pas être classés. Certains titres n'ont pas besoin d'être classés. Et très franchement on s'en fout.

Mais encore pire, certains titres sont déjà classés dès leur pré-production ! Pourquoi aller chercher aussi loin alors qu'il suffit de comprendre qu'un jeu d'action, ça peut être 1000 jeux différents à la fois ! Pareil pour les sous-genres, et pareil pour les titres les plus étranges.


L'un des plus gros problèmes que j'ai, c'est cette façon qu'ont les gens d'utiliser des termes comme "film interactif" ou "Visual Novel" de façon péjorative et pour rabaisser ce qu'ils considèrent comme des non-jeux.

Les films interactifs ou les Visual Novels sont des genres, au même niveau qu'un plate-former ou un shooter, et les 3/4 du temps, ces termes sont mal utilisés (encore une fois, je reprends l'exemple des jeux Telltale).

Appeler "film interactif" quelque chose qui ne l'est clairement pas me rend complètement fou. C'est méprisant pour les deux genres à la fois, et en plus c'est faux et débile.

Voila, CA c'est un film interactif. Et c'est d'la merde.

Bref, les jeux Telltale et Journey sont énormément appréciés du grand public, et peu de gens remettent leur identité en question.

Les commentaires dont je parle plus haut sont peu communs. Mais au final, le discours, même s'il est rare, reste le même qu'avec d'autres jeux plus barrés. En prenant ça en compte...

Qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à réagir comme ça face à un titre qui déforme ne serait-ce qu'un petit peu son média et ses codes ? Après tout, même si un jeu comme Gone Home est plus étrange et moins reconnu qu'un The Walking Dead, mes arguments sont les mêmes !

On voit naître une véritable évolution des mœurs, et je pense que bientôt le grand public réalisera un fait important: Le jeu vidéo est un média vaste.

Le jeu vidéo est un média vaste, mais est aussi un média jeune. Je pense que le problème vient de là. Les gens ne se rendent pas encore compte de toutes les possibilités qu'il propose, et de tout ce qu'il est possible d'imaginer.

Bien sûr, il y a beaucoup d'idées de gameplay innovantes à exploiter, mais aussi des idées plus minimalistes, plus simples, qui reviennent à la source, voire qui s'approchent d'autres médias.

A partir du moment où il y a interaction, c'est un jeu, point. Après, cela ne veut pas dire que l'on doit tout accepter. Il y a des expériences intéressantes... Et d'autres moins.


Gone Home construit son ambiance autour de son décor, des objets disséminés dans l'environnement, et c'est le joueur qui se construit son univers comme il le souhaite.

C'est en partie grâce aux tickets de cinéma, aux cartouches de jeux, aux CD, aux livres, aux journaux, aux affiches, aux prospectus, aux cahiers, aux meubles que l'ambiance 90's marche si bien. C'est grâce aux choix que fait le joueur.

Ils n'influent pas sur le gameplay ou sur la trame scénaristique, mais les interactions du gars devant son ordi installent ce qui est plaisant dans le titre. Si ça c'est pas une expérience narrative intéressante qui utilise son média à la perfection, je sais pas ce que c'est !

De l'autre côté, un jeu comme Dear Esther propose quelque chose de moins intéressant.

Oui, c'est un jeu vidéo, ce fait ne change pas. Mais c'est un jeu où le personnage marche et écoute une histoire. Rien d'autre.

Je ne dis pas que c'est un mauvais jeu, l'histoire peut plaire, je ne suis pas là pour juger de ça aujourd'hui. Je considère juste que ce n'est pas intéressant. Le choix d'en faire un jeu est pertinent, ce choix marche avec le média, et en faire un film ou un livre lui aurait fait perdre beaucoup.


Mais l'expérience n'est pas franchement passionnante. La question qui me vient alors en tête n'est pas: "Est-ce un jeu vidéo ?" la réponse est oui. Il respecte les critères primaires du média. Par contre, ce que je me demande quand je vois Dear Esther, c'est: "Est-ce un BON jeu vidéo ?"

Non, mieux. Demander si c'est un BON jeu vidéo peut encore induire qu'il ne mérite pas d'être appelé comme ça. On va aller plus loin: "Est-ce une bonne ŒUVRE ?", innovante et digne d'intérêt. Et à partir de là, ce n'est plus qu'une question de goût et de couleurs.


La question n'est pas "Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ?", mais "Qu'est-ce que VOTRE jeu vidéo".

Ce n'est qu'une question de ressenti, de préférence. Finalement, à partir du moment où quelque chose respecte un minimum la définition que j'ai donnée, à partir du moment où il y a une interaction, c'est un jeu vidéo, fin de l'histoire.

Ce qu'il faut se dire, ce n'est pas "Est-ce que ceci peut-être qualifié de jeu ?" (puisque la réponse est oui), mais plutôt "Est-ce que j'aime ça ?".


Mon avis dans tout ça ? Je pense que ça passera.

Comme avec le cinéma, comme avec la littérature, le public ne se posera plus de questions et aimera ce qu'il aimera, en acceptant qu'à côté, il y a un univers très vaste rempli de tout un tas de bordel très varié.

Le jeu vidéo est un média grandissant, et à l'heure des productions AAA buggées et en morceaux vendues une fortune, la scène indé prend une place importante, et certains créateurs proposent des idées originales, parfois déroutantes, qui nous sortent de notre zone de confort.

Il est vrai qu'il n'est jamais facile de découvrir quelque chose de nouveau, et se retrouver face à un Gone Home ou à un Mountain très minimaliste peut-être déstabilisant.

Les mœurs changent, le public évolue, et dans quelques années, quand un Dear Esther-like sortira, plus personne ne bronchera.

Alors, on pourra tous se mettre au moins d'accord sur une question aussi stupide que "Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ?".
On pourra tous se mettre d'accord pour considérer que certains jeux aujourd'hui rabaissés, jugés, allumés, sont cela avant tout: Des jeux.

Pas des jeux qui plairont à tout le monde, pas des jeux aussi interactifs que d'autres, mais des jeux quoi qu'il arrive. Car ce média est infini, et nous finirons par le comprendre.